HARCÈLEMENT MORAL PROFESSIONNEL : AGIR

 

Si vous êtes harcelé, vous devez réagir !

 

Rompre le silence est une étape très importante quand on est aux prises avec le harcèlement moral professionnel en qualité de victime ou de proche de la victime . Or, il est encore plus important de s'inscrire dans l'action . Vous devez d'abord signaler la situation à votre hiérarchie ou votre employeur, puis ensuite en cas d'immobilisme de ce dernier, vous protéger et prendre une orientation plus juridique.

Signaler officiellement votre situation.

Plusieurs possibilités s'offrent à vous : faire organiser un entretien avec votre harceleur ou dénoncer votre situation à votre hiérarchie  .

Un entretien avec votre harceleur :

Demandez lui des explications mais sans l'accuser de harcèlement moral. Présentez la situation de façon simple avec des actes et des dates. L'idéal serait d'avoir des témoins des actes incriminés en question mais c'est souvent très rare. Le harceleur agit la plupart du temps à des moments où il ne risque pas de se faire démasquer ou d'être vu.

Si votre harceleur s'éloigne du sujet pendant l'entretien, persistez et re centrez votre propos. L'objectif est que celui-ci se justifie et qu'il comprenne dans le même temps que vous ne vous laisserez pas faire . Obtenez des engagements fermes à l'amélioration des relations et si cela vous est possible confirmez lui ou faites lui confirmer par mail la teneur des nouvelles résolutions. Conservez ce mail ou cet écrit (le sien et le votre ou le votre uniquement).

Si le ton monte ne vous mettez pas en situation de faute, mettez un terme à l'entretien et signalez le tout par écrit à votre hiérarchie ou au responsable des ressources humaines. Gardez précieusement cet écrit en cas de complications ultérieures.

Un entretien avec votre employeur :

Rien ne vous empêche de faire une petite enquête sur votre agresseur . Orientez la uniquement sur l'aspect professionnel, ne vous mettez pas en faute . Vous pourriez découvrir, alors, que votre agresseur est coutumier du fait : il y en a eu d'autres victimes avant vous et si vous ne faites rien il y en aura d'autres après vous . Si vous êtes confronté au mutisme de vos collègues, n'insistez pas . Par contre si les langues se délient, prenez des notes et des noms .

N'hésitez pas à faire profiter votre employeur de vos découvertes lors de votre entretien.

Il est souhaitable de ne pas utiliser le terme 'harcèlement moral professionnel', préférez celui de « maltraitance » . Seul un juge peut qualifier et employer ce terme au vu de la situation étudiée. Même si vous êtes persuadé de la réalité des faits et d 'être victime de harcèlement, les cas de harcèlement moral professionnel restent très difficiles à démontrer. Alors restez prudent dans vos propos au risque de vous discréditer . Très souvent la hiérarchie préfère associer ce type de difficultés à un simple 'différent professionnel'  et minimise les faits ; fournissez lui alors toutes vos informations afin de faire évoluer ce préjugé.

Bien sûr que parler de votre souffrance sur votre lieu de travail à votre employeur est difficile, voir inconcevable. Vous pouvez le vivre comme une sorte d'humiliation ou d'échec : qui a envie de geindre ou de pleurer ou de dévoiler sa souffrance ? Pas vous . Si cela est trop difficile, ne restez pas seul et faites vous aider par vos représentants du personnel (membre du Comité d'Hygiène et de sécurité, délégué du personnel, ou organisation syndicale représentative) ou par votre médecin du travail ou de prévention ou enfin un inspecteur du travail si vous êtes salarié dans la sphère privée .

Gardez à l'esprit que si ce n'est pas votre employeur qui vous harcèle, vous avez un rôle d'information à jouer. Rappelez vous, votre employeur est tenu de protéger votre santé physique et mentale. Or, s'il n'est pas informé par vous des faits de harcèlement il ne pourra jamais prendre, comme la loi l'y oblige, toutes les mesures nécessaires pour faire cesser ce trouble et que vous retrouviez des conditions de travail normales.

Si vous ne vous sentez vraiment pas la force d'en parler de vive voix, envoyez lui, dans un premier temps, un courrier. Gardez en une copie qui constitue une preuve écrite en cas d’action en justice. S’il ne répond pas, ne vous en faites pas, cela constituera aussi une preuve !

Si toutes vos démarches restent vaines en ce sens que votre employeur semble atteint soudainement de surdité ; alors il faut songer à vous protéger vous même en pratiquant l'évitement ou la fuite même si cela ne fait pas partie de vos codes personnels.

Organiser votre protection

Même si le harcèlement moral est interdit, certaines entreprises cautionnent le harcèlement présent dans leur structure ; d’autres au contraire, sont réactives et organiseront des solutions pour les salariés victimes de harcèlement. Beaucoup de statistiques et d'études démontrent que les administrations où sévissent beaucoup de cas de harcèlements moral professionnel remportent la palme de la réaction silencieuse en raison vraisemblablement de manque d'outils ou de moyens humains.

Pour vous confronter le moins possible au harceleur souvent très doué et disposant d'une certaine position dans la hiérarchie, la seule solution reste celle de la fuite avant qu’il ne trouve les moyens de vous atteindre. Entourez vous de conseils pour étudier les possibles à votre portée : mise en disponibilité, mutation, démission, rupture du contrat de travail à l’amiable…Ne faites rien sur un coup de tête, prenez du recul car chaque formule comporte des avantages et des inconvénients que l'on ne perçoit pas forcément dans le feu de l'action. Vous protéger, oui, mais pas à n'importe quel prix . Vous n'êtes pas responsable de la situation .

Si cela vous est devenu trop difficile physiquement et moralement, n'allez plus travailler  en exerçant votre 'droit de retrait'

Il semble que les juges reconnaissent à la victime de harcèlement le droit de cesser son activité si elle justifie qu'elle «  encoure un danger grave et imminent pour sa santé » en raison des comportements réitérés menaçants, humiliants ou traumatisants de l'auteur du harcèlement. C'est ce qu'on appelle exercer son droit de retrait  Vous ne pouvez pas être sanctionné par votre employeur pour ce motif dès lors que vous aviez une raison de penser que la situation présentait un danger grave et imminent . J'attire votre attention sur la difficulté de rapporter la preuve du danger grave et imminent exigé.

Dans tous les cas de figure, prenez conseil auprès d’un avocat avant de formaliser votre décision de fuite.

Consulter un avocat.

 

Une consultation juridique

Dans votre démarche de consultation juridique, il est préférable de vous rapprocher d'un avocat spécialisé. Vous n'en connaissez pas, appelez l'ordre des avocats de votre lieu de résidence qui vous confiera une liste d'avocats spécialisés en droit du travail ou droit social. Vous n'avez pas les moyens de vous payer une consultation, vous pouvez vous faire financer votre démarche juridique soit par votre assistance juridique, soit par l'Etat. En effet, des consultations gratuites d'avocat sont organisées dans toutes les villes dotées d'un tribunal de grande instance et d'un barreau.

N'ayez crainte si vous envisagez de poursuivre votre employeur et que vous n'êtes pas certain d'avoir toutes les preuves de ce que vous avancez, n'oubliez pas que vous ne pouvez pas être attaqué pour diffamation si vous dénoncez des faits de harcèlement . Attention, il n'est pas question de dénoncer de faux agissements vous pourriez alors être poursuivi sur le fondement de la mauvaise foi.

Vous n'êtes pas obligé de poursuivre votre employeur : certains se reconstruisent plus facilement s’ils obtiennent une réparation juridique devant un tribunal, tandis que d’autres préfèrent renoncer au contentieux jugé trop épuisant. C'est à vous de choisir en fonction de votre personnalité. Sachez que ce type de contentieux est long et fastidieux.

L'engagement d'une procédure

Si vous n'avez pas les moyens de supporter le coût d'une procédure, vérifiez que votre protection juridique prenne en charge financièrement les honoraires et frais de procédure . Si tel n'est pas le cas, vous pouvez toujours déposer un dossier de demande d'aide juridictionnelle auprès du tribunal de votre lieu de résidence en accord avec votre avocat. Certains avocats n'instrumentent pas avec l'aide juridictionnelle, dans ce cas préférez un autre cabinet d'avocats. Rappelez vous, vous n'^tes pas responsable de la situation .

Une fois, choisi, rapportez à votre avocat toutes les preuves collectées comme les courriers, e-mails, notes internes, post-it, fax, copies d’agenda, ordonnances médicales ou certificat médical prouvant les effets du harcèlement moral sur votre santé physique, document attestant d’une différence de traitement avec vos collègues ou d’une rétrogradation de poste…

Exposez lui clairement vos notes personnelles (sur tableau ou agenda prévu à cet effet) à propos des faits concrets tels que des dates, des mails, des sms, des notes de service, la présence de témoins au moment des agissements voire des témoignages de collègues si vous parvenez à en obtenir vos ressentis, votre souffrance. L'objectif est de démontrer les pressions que vous avez subies et les conséquences sur votre personne.

Votre conseil vous expliquera qu'il est également important de prouver la répétition du harcèlement au quotidien. Pour cela, il vous guidera pour réaliser un dossier solide, rendant compte de tous les éléments constitutifs du harcèlement.

Votre avocat vous détaillera les possibles procédures à envisager comme  :

engager une procédure sur le plan civil : sachez que si vous êtes fonctionnaire c'est le tribunal administratif qui est compétent, si vous êtes employé dans le secteur privé, c'est le conseil de prud’hommes qui étudiera votre demande .

Organiser, en amont de votre procédure, une médiation avec un médiateur à choisir avec votre employeur.

Si la situation de harcèlement persiste malgré cette tentative de médiation, il ne vous restera plus qu'à saisir le tribunal pour une tentative de conciliation devant un juge.

Avec ou sans l’aide de votre avocat, vous devez parvenir à prouver à ce juge qu'on exerce sur vous une forme de harcèlement moral dans le cadre de votre travail. L'avocat n'intervient souvent qu'au stade de la saisine réelle du tribunal : il vous aura coaché au préalable pour la tentative de conciliation.

Vous pouvez vous faire aider par une organisation syndicale qui peut engager l’action en justice à votre place . Si à cette première étape de conciliation aucune solution n'a été trouvée, la procédure sera engagée par un système de renvoi devant la section du conseil de prud'homes compétente .

Votre avocat peut, parallèlement vous conseiller de porter plainte sur le plan pénal auprès du procureur de la république s'agissant des faits et de vous constituer partie civile pour ouvrir vos droits à réparation et indemnisation si l'infraction est constituée. Comme vous gardez bien à l'esprit de ne pas rester isolé, rien ne vous empêche de vous faire aider pas une association qui pourra vous soutenir tout au long de vos démarches : elle a parfois un avocat attitré.

 

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Pour conclure, vous trouvez dommage d'en arriver là . Votre protection exige cette étape procédurale. Très souvent des négociations se tissent entre votre avocat et votre employeur pour déboucher sur un terrain d'entente favorable à vos intérêts au stade précisément d'un engagement de procédure . Parfois, c'est pire . Le fait d'officialiser la situation dans la sphère publique cristallise les échanges et il faut s'en remettre à l'intervention du juge pour faire cesser cette situation de blocage et d'atteinte à vos droits.

Petit conseil : n'attendez pas qu'un jugement intervienne, continuez d'agir en cherchant un autre travail, en déposant une mutation si vos fonctions vous plaisent...Il n'est pas question de faire comme si de rien n'était mais plutôt de continuer votre vie professionnelle avec l'espoir que ces agissements ne se reproduiront plus grâce à vous qui avez eu le courage de sortir du silence et d'agir . Démontrez que votre harceleur n'a pas réussi à vous anéantir : vous pouvez poser un genou à terre mais pas les deux .

 

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